Personne ne mérite plus de reconnaissance que Walt Grealis et Stan Klees pour leur transformation d’un élan patriotique en véritable raz-de-marée en faveur du contenu canadien sur les ondes. Les efforts combinés de ces inséparables amis et associés ont beaucoup aidé à établir une identité musicale distinctement canadienne qui les mena jusqu’aux prix JUNO.
Ces deux pionniers de l’industrie musicale canadienne firent des pressions sur les interprètes, les auteurs, les compositeurs, le secteur de l’enregistrement, les artistes, les politiciens et les instances de réglementation de la radiodiffusion. Alors que d’autres partaient pour New York, Los Angeles ou Nashville, ils poursuivirent leur cause au nord du 49e parallèle et devinrent l’incarnation même de l’expression « Fabriqué au Canada ».
Walt Grealis s’intéressa à l’industrie musicale après son collègue Stan Klees; au tout début, Walt ne possédait pas de tourne-disque et ne savait rien de l’industrie du disque. Il décrocha de l’école secondaire en 10ème année pour s’engager dans la Gendarmerie royale. Ensuite, il devint un directeur des sports et loisirs aux Bermudes. Mais l’appel de son pays natal le ramena au bercail, où il prit un poste à la brasserie O’Keefe, puis plus tard chez Labatt.
Il eut du succès en tant que vendeur de bière, mais les voyages incessants l’embêtèrent. Par l’entremise de son ami Stan, qui lui aussi interrompit ses études en 10ème année, il décrocha un emploi chez Apex Records dans le secteur de la promotion de disques. Au moment de passer chez London Records, il se rendit déjà compte du peu de reconnaissance qu’avaient les artistes canadiens dans leur propre pays. Quant à Stan Klees, il fut nommé directeur de Astral Records dès l’âge de 28 ans.
Walt et Stan comprirent qu’en approchant les maisons de disques et les stations de radio, ils aideraient plus de voix canadiennes à se faire entendre. Stan poussa Walt à lancer une petite publication spécialisée intitulée RPM Magazine, que Walt finit souvent par rédiger de A à Z, faute de personnel. C’était en 1964 : l’idée du contenu musical canadien fut lancée et commença à prendre racine. Stan Klees, qui collabora également à RPM, eut l’idée de faire voter les lecteurs. Il organisa la première remise de prix pour la musique canadienne au St. Lawrence Hall de Toronto. Sabina, la mère de Stan, prépara les sandwiches.
Ensemble, les deux hommes firent des pressions auprès des membres de l’industrie et du gouvernement. Stan Klees alla même jusqu’à louer une salle de conférences à l’hôtel Inn on The Park de Toronto pour y inviter les producteurs de disques à former une association. Il emmena un groupe d’entre eux à Ottawa afin de rencontrer le Bureau des gouverneurs de la radiodiffusion, l’ancêtre du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC).
Stan Klees appela constamment le CRTC pour exiger une réglementation sur un seuil minimum de contenu canadien. Son intention était de stimuler la production de musique canadienne et de faire connaître les auteurs et compositeurs, de même que les interprètes du pays. Stan conçut le symbole MAPL (Musique, Artiste interprète, Production, paroles Lyriques) pour les parutions de son étiquette Tamarac. RPM obtint la permission d’utiliser le logo MAPL dans son magazine. Ce symbole permit aux stations de radio d’identifier aisément les disques d’origine canadienne et de prévenir les infractions accidentelles aux nouvelles règles sur le contenu.
En 1970, les deux hommes réussirent à transformer leur vision en réalité. Une décision du CRTC obligea les stations de radio à incorporer 30% de contenu canadien dans leur programmation. À la cérémonie de remise des prix Juno de 1976, Randy Bachman demanda à Walt Grealis de monter sur scène pour recevoir un prix non officiel de la part des musiciens canadiens. Sur le prix était inscrit : « Vous avez toujours répondu à notre appel ». Walt Grealis fut nommé Officier de l’Ordre du Canada en 1993.
Walt mit la clé à la porte de RPM en 2000. Le magazine publia 10 000 palmarès et d’innombrables reportages sur la musique canadienne. Bien que Stan Klees n’eut pas été nommé Officier de l’Ordre du Canada, il reçut un prix de la SOCAN (Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique) en 2001 pour sa contribution exceptionnelle. Son ami Walt insista pour en faire lui-même la présentation, qui fut suivie d’une ovation de sept minutes.
Fervent de conditionnement physique pendant presque toute sa vie, Walt Grealis s’éteignit d’un cancer du poumon en janvier 2004. Cinq mois après son décès, Anne Murray lui rendit hommage au gala télévisé des prix JUNO de 2004, en annonçant la création, en guise de reconnaissance posthume, du prix Walt-Grealis pour contribution exceptionnelle, dont les récipiendaires seront nommés par l’Académie canadienne des arts et des sciences de l’enregistrement (CARAS). Selon la CARAS, ce prix servira désormais à récompenser « les personnes qui ont contribué à la croissance et au développement de l’industrie musicale canadienne ». Quant à lui, Stan Klees fut intronisé au Panthéon de la musique country canadienne en 1995.
Avant de mourir, Walt Grealis rédigea un vibrant hommage à son ami Stan Klees, mais ce témoignage pourrait tout aussi bien s’appliquer à chacun d’eux. Walt y écrivit : « Quelle chance pour notre industrie d’avoir pu admirer et respecter ce pionnier, cet innovateur, ce visionnaire et, par-dessus tout, ce Canadien. Il devrait être cité en exemple aux jeunes gens qui entrent dans cette industrie. Grâce à lui, nous vivons dans un meilleur pays. »
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