Une carte postale acheminée depuis Sturgeon Falls, la bourgade nord-ontarienne qui a vu grandir André Paiement et sa sœur Rachel, elle aussi membre de la formation musicale.
André Paiement lui-même en signe les paroles, un texte inspiré par son emploi d’été comme sacristain à l’église française catholique du village, la plus vaste et imposante des environs. C’est lui qui sonnait les cloches et travaillait, en quelque sorte, comme homme à tout faire en ce lieu saint. « Comme moi, mon grand frère était bedeau, se souvient Paul Paiement. André se levait le matin, il allait à l’église, il ouvrait les portes et puis là, il sonnait la cloche qu’on entendait dans toute la ville. Puisqu’il n’y avait rien à faire, parce que tous les commerces de la ville étaient fermés sauf le moulin, il s’assoyait sur la passerelle entre l’église et le presbytère pour fumer une cigarette en attendant que la messe se termine. Il y avait quatre messes le dimanche! On n’assistait quand même pas à chacune d’entre elles... On attendait que les gens sortent, puis on allait tirer sur les cordes pour faire sonner les cloches. La chanson, ça décrit ça. »
Au fil des trois minutes et quarante-et-une secondes que durent l’enregistrement original, l’auteur et vocaliste André Paiement s’adresse à quelqu’un dont il s’ennuie manifestement et qu’il tutoie dans un élan poétique. « Si tu étais ici / Je ferais cesser l'orage / La pluie qui claque sur le pavé / J'ai envie d'aller marcher. » Les célébrations ecclésiastiques terminées, on l’imagine sans mal errer entre les rues de Sturgeon Falls, un parapluie en main et en pensant à celle qu’il l’aime. « Le ‘’tu’’, c’est pour sa blonde, je pense que c’était écrit pour son premier amour, divulgue Paul Paiement. Ils sont sortis ensemble longtemps. C’était une fille de la place. [...] Elle s’appelait Viviane, mais je dois admettre que je ne peux pas garantir que c’était elle qu’il avait en tête quand il a composé la chanson. Je sais que plusieurs femmes de Sturgeon Falls réclament être la cible de la chanson En plein hiver, la piste 6 du même album. Si vous saviez combien de femmes! Des femmes qui ont aujourd’hui une soixante-dizaine d’années… » Magnétique à souhait, pour reprendre le mot utilisé par son cadet pour le décrire, André soutenait le regard de tout le monde, des femmes comme des hommes et qu’importe de leur orientation sexuelle. Nul doute que cette présence attrayante et forte a largement contribué au succès de Cano.
Dimanche après-midi, de par ses accents country et sa structure pop, tranche délicatement avec les autres pièces à prédominance prog rock qui meublent le répertoire de Cano. « Moi, je pense que cette influence-là vient de Buffalo Springfield, l’un des premiers groupes de Neil Young. C’est dans ce style acoustique-là. J’ai d’ailleurs un enregistrement d’André qui chante une des chansons de Buffalo Springfield, I Am a Child. »
Tristement, la vie d’André Paiement connaîtra une fin abrupte et tragique. Applaudis de soir en soir sur les scènes de partout au Canada, l’auteur-compositeur et la voix de Dimanche après-midi mettra fin à ses jours en janvier 1978. Il n’avait que 27 ans. Les membres de Cano poursuivront sans lui des années durant, portés par ses mots et ses mélodies, ce même désir de partage. Le second album du groupe lui survivra, Au nord de notre vie, un bouquet de chansons enregistrées avant son décès. Comme si ses amis avaient su encapsuler l’étoile filante qu’il a été.
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