Écrite à la gloire du père Marcel Aymar, guitariste et vocaliste au sein de Cano, Baie Sainte-Marie s’est en fait élaborée à huit mains. « Baie Saint-Marie c’est vraiment la première chanson qu’on a composée en gang, se souvient Marcel Aymar. J’ai amené mes idées, la mélodie et les paroles. De ça, on a commencé les arrangements. Avec Cano, c’est certain que nos chansons ne duraient pas trois ou quatre minutes!»
David Burt, John Doerr et Wasyl Kohut sont ceux qui, au détour du local de répétition du groupe, ont ajouté leur grain de sel au morceau. La pièce s’ouvre sur les cris des goélands qu’on s’imagine croisés au bord de l’eau, des chants maritimes et stridents que Kohut a su recréer au violon. Or, Baie Sainte-Marie sonde des profondeurs qui n’ont rien d’aquatiques. C’est une chanson qui ramène Aymar aux rives de Meteghan et au parfum du poisson de son enfance, mais par le biais de la tendresse qu’il porte à son père. « Le vent de l'Acadie, c'est mon père / Dans mon père / Je peux tellement me voir / Je veux le remercier/ Pour ce qu'il m'a donné » Il en va d’un hommage, d’une déclaration d’amour filial à l’endroit de celui qu’il a quitté pour voler de ses propres ailes.
Au début de la cinquième minute, justement, le trombone de Doerr rejoint celui de l’homme qui l’a mis au monde. Un détail instrumental, un duo père-fils qui sert le propos du texte d’une façon fort symbolique. « Je fais référence à ce que mon père m’a donné au niveau de tout, au niveau de la culture acadienne, mais aussi l’amour pour la vie, l’amour pour la famille, détaille le parolier. C’est au sens large, mais aussi personnel. J’ai été vraiment chanceux et j’ai grandi dans une famille extraordinaire avec plein d’amour. On n’était pas riches, mon papa était le barbier du village, mais c’était un milieu familial extraordinaire. C’est pour ça que je le remercie, mais il y avait aussi une question identitaire jusqu’à un certain point. J’ai passé les premiers 18-19 ans de ma vie en Nouvelle-Écosse et là je me trouvais à Sudbury où j’avais trouvé une deuxième famille. »
Tous dans l’même bateau, l’album qui a mis Baie Sainte-Marie au monde, a connu un succès retentissant et séduit les amateurs de rock progressif des deux langues officielles, unissant ainsi les solitudes au plus fort du débat constitutionnel. Vendu à 35 000 exemplaires et prisé des disc-jockeys qui animaient alors la bande FM, ce long-jeu leur a ouvert les portes des salles de spectacle de partout au pays en plus de donner une voix aux Franco-ontariens trop souvent méconnus de leurs frères dans la Belle Province.
L’aventure Cano terminée, au terme de 10 années ponctuées par les tragiques décès du leader André Paiement et du violoniste Wasyl Kohut, David Burt prêtera son talent musical à d’autres artistes canadiens dont Robert Paquette. Résidant dorénavant à Toronto, il œuvre également en francisation auprès des nouveaux arrivants d’âge adulte.
Marcel Aymar et John Doerr, de leur côté, fonderont la boîte de production baptisée Majoma auprès de leur collègue Marc Cholette - qui ne faisait pas partie de Cano. Ensemble, le trio se chargera notamment de l’habillage sonore de la diffusion des Jeux olympiques de Séoul sur les ondes de la CBC en 1988. La même année, Aymar tiendra l’affiche avec Jean-Marc Dalpé dans la pièce Cris et Blues créée par Brigitte Haentjens au Théâtre du Nouvel-Ontario, une proposition multidisciplinaire qui sillonnera le pays jusqu’en 1990. Près de deux décennies après avoir offert son premier album solo, il travaille actuellement à la production de chansons documentaires accompagnées de vidéos, des capsules qui mettront en vedette les gens de la Baie Saint-Marie. Le chemin est ancré dans son sang, chantait-il. Le Néo-Écossais y reviendra toujours.
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