par Karen Bliss
Est-ce vraiment surprenant que l’homme qui été intronisé au Panthéon des auteurs et compositeurs canadiens en 2006 et qui a écrit le succès #1 « Sugar, Sugar » des Archies en 1969 en compagnie de Jeff Barry a une attitude très nonchalante dans la vie en général, incluant lorsqu’il vit des revers? Andy Kim est un éternel optimiste qui prend les choses comme elles viennent ou, comme il l’a expliqué au PACC, qui sait lâcher prise. Andy était convaincu que ses meilleurs jours dans l’industrie de la musique étaient derrière lui quand il a écrit, il y a 50 ans, une chanson intitulée « Rock Me Gently » qui n’a intéressé personne.
Il a donc enregistré la pièce lui-même pour la lancer sur son propre label, Ice Records. Le morceau s’est immédiatement catapulté en 1re position du palmarès aux États-Unis et au n° 2 au Royaume-Uni et a passé un total de quatre mois sur divers palmarès. Tout ça a débouché sur un contrat avec Capitol Records. La chanson, un incontournable à la radio, a été reprise en 1989 par la chanteuse de country Michelle Wright et elle a été utilisée dans les émissions de télévision Donovan et Sex Education en plus d’être en vedette dans une publicité amusante sur la faune et la flore pour Jeep Liberty.
Any Kim s’est entretenu avec Karen Bliss pour le PACC à propos de la genèse de « Rock Me Gently » qui, comme on peut le deviner par le titre, raconte une soirée qui s’est très bien passée.
Quel est ton souvenir du gars sur la pochette du simple? En passant, tu as encore les mêmes cheveux aujourd’hui – félicitations! [rires] Pas que le passé soit flou, mais si les gens me connaissaient comme mes frères me connaissent depuis que je suis né, ils sauraient que je vis toujours dans le moment présent. Si j’ai vécu quelque chose de difficile ou qui a perturbé mon univers la veille, tout ce qu’il en reste le lendemain c’est la leçon que j’en ai tirée. Je n’ai jamais eu un seul regret, aucun « j’aurais donc dû ». J’ai appris ma leçon et c’est tout. S’il y a des vagues, des chicanes ou quoi que ce soit qui me chamboule, je lâche prise.
C’est une belle façon de vivre qu’on croise rarement. Ça ferait une bonne chanson, je pense. La vérité, c’est que je ne savais même pas que c’est ce que je faisais. Je l’ai réalisé en prenant le temps de poser un regard sur mon passé. Mes frères me l’ont dit, aussi. Je vivais dans le moment. En vieillissant, j’ai compris que j’étais en train de vivre la seule vie que j’aurai, il n’y a pas de deuxième partie. Alors, je fais quoi avec cette information? Je vis au jour le jour, dans le moment présent.
Je ne sais pas comment vivre autrement de toute façon.
Tu sais que c’est le titre d’une chanson, n’est-ce pas? Live The day, Live the moment. Je te donne un devoir une fois cette conversation sur Zoom terminée. Mais bon, on est là pour parler de « Rock Me Gently » parce que la chanson a 50 ans.
Quelle est la genèse de cette chanson. A-t-elle commencé par les premiers mots qu’on entend? Par le refrain? Je vais te le dire si ça reste entre nous deux [rires].
[rires] Non, ce n’est pas juste entre nous deux. C’est une entrevue. Pourquoi? Y a-t-il une signification bizarre ou sombre? J’ai rencontré une personne alors que je venais juste d’arriver à L.A. et je n’avais jamais visité autre chose que le centre-ville ou Sunset Strip. Je n’avais jamais été à Malibu. On est allés souper à Malibu et on est rentrés vers 4 heures du matin et je te laisse imaginer le reste. Et j’ai encore, comme à cette époque, l’habitude de faire du café turc le matin et c’est ce que j’ai fait.
Premièrement, je venais d’emménager dans un penthouse au coin de Sunset et Horn où Tower Records était avant. Alors quand tu levais les yeux, tu voyais essentiellement un édifice qui ne semble pas à sa place et j’y avais un penthouse d’où je voyais toute la ville. Ma Mercedes toute neuve était stationnée dans le sous-terrain, mais je n’avais pas de permis de conduire étant donné que je vivais à New York. Je n’ai jamais vraiment eu envie de conduire. Quand j’étais jeune, j’espérais que quelqu’un conduirait pour moi et, en résumé, c’est elle qui a conduit parce qu’elle n’avait pas de voiture. Je lui ai prêté la mienne.
Bref, je me suis fait un café turc, j’ai pris ma guitare et j’ai simplement commencé à décrire notre promenade sur la plage à Malibu. Quand tu lis le texte, tu comprends vite ce qui se passait.
Et ensuite tu l’as produite toi-même. J’étais un peu connu à L.A. parce que j’étais passé à American Bandstand et que mes chansons étaient sur le palmarès de KHJ AM, l’équivalent américain de CHUM. Il y avait WABC sur la côte est et KHJ sur la côte ouest.
Méthodiquement, j’ai proposé ma chanson à toutes les maisons de disque une après l’autre, un producteur à la fois, mais personne n’en voulait. On parle d’une démarche qui a duré environ trois mois juste pour me faire dire « c’est une belle chanson, mais non merci ». J’ai fini par avoir l’impression que mon deux minutes trente était écoulé.
Je ne suis pas sûr si tu comprends cette expression. Dans le Brill Building, à New York, au neuvième étage, c’est là que Leiber et Stoller « stockaient » leurs talents musicaux, Jeff Barry, Ellie Greenwich et Phil Spector sont passés par là, et le mantra était « tu ne vaux pas plus que ton dernier deux minutes trente ».
Autrement dit, si j’avais même un demi-succès populaire, j’aurais une autre chance d’en créer un autre, mais après quelques simples qui ne vont nulle part, plus personne ne veut de toi. J’ai fini par réaliser que la plupart des gens pensaient que ma carrière était finie.
Qu’est-ce qu’ils écoutaient? À quoi ressemblait le démo? C’était pas un démo. J’avais produit l’enregistrement, j’étais l’auteur-compositeur, l’interprète, le producteur et l’éditeur. Tout ce que je voulais c’est que les gens entendent mon enregistrement. Tout était prêt.
Et cet enregistrement était celui avec des musiciens comme Larry Carlton, Michael Omartian, Dean Parks, Ed Greene etc.? Oui, tout ce beau monde-là jouait sur cet enregistrement. Je me souviens que c’était un vendredi soir pluvieux. Je ne connaissais pas de musiciens à L.A. alors j’ai appelé le syndicat des musiciens. Je suis quelqu’un d’assez naïf, mais j’ai appris à faire confiance à mon instinct. Bref, j’ai passé un coup de fil au syndicat des musiciens pour leur dire que j’avais besoin de cinq personnes et ils m’ont envoyé cinq personnes. Je n’avais aucune idée qui ces gars-là étaient, mais c’était tous des légendes, même déjà à l’époque.
Bref, j’enregistre ce morceau. Je suis le producteur. Je leur fais écouter ma nouvelle chanson. Je voulais vraiment que ça ressemble aux Staples. Dans le genre de « I’ll Take You There », une de mes chansons préférées. C’était une super ligne de basse. Un groove magnifique. Et je voulais simplement faire quelque chose de différent de ce dont on se souvenait de moi.
Et ce que les gens ne savent pas, c’est que mes premiers disques étaient un peu accélérés et que lorsque j’ai commencé à chanter avec ma vraie voix, ç’a probablement surpris plus d’une personne, je ne sais pas. Mais étant donné que le mot « non » est juste une opportunité pour moi d’inspirer mon avenir et mon destin, je me suis réveillé un jour et je me suis dit « tu sais quoi? Je vais le sortir tout seul, ce disque ».
J’ai fondé ma maison de disques au Canada. Je me souviens que j’ai appelé chez moi et quand ma mère a répondu, j’ai dit : « Maman, je rentre à la maison », et elle s’est mise à pleurer parce qu’elle n’avait jamais voulu que je parte. Sauf qu’elle n’a pas entendu le reste. « Je vais créer ma propre maison de disques et elle va s’appeler Ice et c’est moi qui vais m’occuper de la promotion. Je vais envoyer les disques moi-même et quelque part, d’une manière ou d’une autre, quelqu’un aux États-Unis va l’entendre. »
C’était ma façon de penser ; je ne me cache pas de ce que je veux faire. Je vais faire ce que je veux faire pour la simple et bonne raison que c’est tout ce que je sais faire, c’est tout.
Cinquante ans plus tard, as-tu entendu des reprises un peu loufoques, genre punk ou métal? C’est drôle, mais non. Dans le cas de « Sugar, Sugar », il y en a plein – même Homer Simpson a chanté ma chanson. Mais pour une raison ou une autre, peut être que c’est dans le texte, c’est difficile de rendre cette chanson plus rock ou de la modifier autrement.
Est-ce qu’il y a eu des traductions en français, en espagnol ou en allemand? Oui, une version en italien a été enregistrée et dans quelques autres langues. En français.
J’ai revisionné cette pub de Jeep avec les écureuils, les oiseaux et le loup qui chantent. Je pense que cette pub a été diffusée partout dans le monde. J’ai reçu des lettres de Grèce et du Liban.
Sais-tu pourquoi l’agence de pub a choisi ta chanson pour cette annonce de Jeep? C’est quand même inhabituel. J’ai reçu un coup de fil, un jour, pour m’inviter à rencontrer deux réalisateurs à Santa Monica parce qu’ils voulaient utiliser « Rock Me Gently » dans un pub. C’était une de ces journées parfaites où il ne fait pas trop chaud. Je me présente là-bas et je rencontre ces deux réalisateurs britanniques et d’autres gens qui étaient avec eux. Je n’étais jamais allé dans un endroit de ce genre avant.
Ils avaient écouté 638 chansons et c’était « Rock Me Gently » qu’ils voulaient pour ce projet. J’ai dit que j’aimerais voir la pub et j’ai demandé s’ils avaient des « storyboards ». Ils me les ont montrés et je n’arrêtais pas de me dire « Ça ne marchera jamais, mais je vais quand même rester jusqu’à la fin de la réunion et profiter du moment. »
Ils voulaient que je fasse une version de 15 secondes. En tant que producteur, je devais donc leur fournir une version de 15 secondes et une de 30 secondes. Environ deux heures trente plus tard, je suis dans ma voiture. Je rentre chez moi et j’arrête pas de me dire « ça ne marchera jamais. »Je pense que ça ne marchera pas simplement parce que leur « storyboard » avec le loup, les oiseaux et l’écureuil n’avait aucun sens pour moi. J’ai juste lâché prise.
L’agence était BBDO. C’est une immense agence publicitaire, mais je ne savais pas ça. Ils m’ont rappelé un jour et ils m’ont dit « écoutez, on regarde le résultat final et on adore la version que vous nous avez fournie et tout ça et on veut aller de l’avant avec cette vidéo pour la pub de Jeep. Ça coûterait combien? Vous êtes le créateur, l’interprète et le producteur. »
Je leur ai demandé de me donner environ 30 minutes pour penser à tout ça. Bref, je commence à penser à tout ça, mais je n’ai jamais fait ça avant, je ne négocie pas en mon propre nom, mais c’était une époque où je n’avais personne vers qui me tourner non plus. Je n’avais pas de gérant. Tout ce que j’avais, c’est que je croyais en moi et que ma vie se déroulait de la façon dont elle le voulait. J’ai décidé de leur donner un chiffre à la « Sugar, Sugar ». Je me suis dit que je commencerais là.
Je les ai rappelés et j’ai dit que j’avais parlé à mon équipe et que le chiffre était de tel montant. Ils ont dit « OK, on va y penser ». Quelques jours plus tard, mon gérant commercial à New York m’appelle pour me dire « On vient de recevoir un chèque pour XYZ. » J’ai dit « Vraiment? » Et il m’a dit « mais c’est pour quoi exactement? » J’ai dit « c’est pour une pub de Jeep. »
Le montant était au-delà de toutes mes espérances. Et ils l’ont renouvelée pour une deuxième année. La seule chose que j’ai vraiment aimée, parce que c’était exactement ce qu’ils avaient dit – l’oiseau, le loup, l’écureuil – c’est que quand le conducteur allume la radio, tu vois « Rock Me Gently by Andy Kim », c’était vraiment cool. Voilà l’histoire. Elle est sûrement ennuyante aujourd’hui, mais à l’époque c’était très excitant.
Non! C’est encore très cool aujourd’hui. As-tu déjà chanté en entendant ta propre chanson à la radio quand tu es en auto? Bien sûr! [rires] Je la chante encore dans la même tonalité.
C’est bon signe. Chaque que la vie m’apporte est excitant. Et si une journée s’annonce plus funky que les autres, je me dis simplement « OK, ça va être une journée funky ». Je lâche prise.
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